Canal+ : un inéluctable déclin ?

Canal+ : un inéluctable déclin ?

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Élaborer des diagnostics à chaud conduit inévitablement à verser dans le catastrophisme. L’idée que Canal+ soit entièrement dépossédée à l’horizon 2020 d’une licence de diffusion aussi précieuse que celle du championnat de France de football apparaît comme un revers historique. Et si elle ne constitue pas un élément suffisant pour rayer d’un trait de plume le groupe à péage du paysage audiovisuel, cette perte incite forcément au pessimisme. 

La nécessité pour Canal+ de repenser son modèle économique

Peu importe l’issue de cet appel d’offres pour les droits de retransmissions de la Ligue 1, Canal+ aurait nécessairement dû revoir en profondeur son offre pour répondre à la stagnation irrémédiable de son activité de chaîne payante linéaire. Ce travail a d’ailleurs été initié depuis plusieurs années et ne pouvait que se renforcer dans les années à venir.

Le groupe Canal qui détient aujourd’hui la double casquette d’éditeur et de distributeur de contenus devra probablement à l’avenir se concentrer sur cette dernière activité. Les derniers relevés comptables émis par la chaîne ces derniers mois faisaient en tout cas apparaître des difficultés financières réelles. Ils témoignaient assurément de l’incapacité de Canal à investir davantage dans la Ligue 1 sans mettre en péril son compte d’exploitation.

En somme, Canal+ a préféré tenter une manœuvre dilatoire au risque de se faire coiffer au poteau par un acteur plus ambitieux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le premier appel d’offres dans lequel la chaîne fondée par André Rousselet ne se révèle pas comme étant la mieux-disante.

Trois ans de décadence

En 1999, se jouait déjà en effet une bataille cruciale pour Canal+. TPS, née trois ans plus tôt, décidait à l’occasion de la consultation portant sur les droits de retransmissions du championnat sur la période 2001-2004 de rebattre les cartes. La nouvelle venue sur le marché proposa 1 milliard de francs de plus sur trois ans que l’acteur historique.

En dépit de l’offre plus rémunératrice de TPS, la LNF (ancêtre de la LFP) attribuera les droits à Canal+. A cette époque, il était inconcevable pour les instances du football professionnel de priver son partenaire historique des principaux matchs de la Division 1.

En tout état de cause, la LFP n’a pas éprouvé de scrupule en 2018 à briser le lien consubstantiel qui l’unissait à l’antenne cryptée pour privilégier un entrant plus généreux. C’est le signe incontestable que Canal+ a en quelques années perdu toute sa puissance symbolique. Aucune sommité politique ou culturelle n’est venue en amont de l’appel d’offres la défendre ardemment comme c’était autrefois la coutume.

Il faut dire que Canal n’a pas cherché à ménager ceux qui auraient pu être ses soutiens les plus précieux dans cette bataille. En mettant l’an dernier en suspens le paiement des auteurs de façon extrêmement brutale ou en exprimant la volonté de réduire ses mises de fond dans le cinéma français, la filiale du groupe Vivendi s’est-elle même déshéritée d’un instrument politique de poids. Toute une filière du cinéma qui aujourd’hui voit un système établi depuis plusieurs décennies menacer de s’écrouler.

Depuis 2015, la chaîne s’est pour le moins engagée dans une stratégie inconséquente. Cette année coïncide avec sa reprise en main par Vincent Bolloré qui n’aura cessé au cours des derniers mois de défaire ce qui faisait la singularité de la première chaîne à péage française. En l’espace de trois ans l’image et l’aura de Canal+ se sont spectaculairement étiolés.

Un sentiment de gâchis

Celui qui se présentait présomptueusement comme le sauveur de Canal+ apparaît davantage aujourd’hui comme son fossoyeur. Premier League, Champions League, Ligue 1 ; à chaque appel d’offres majeur le groupe privé s’est fourvoyé allant à l’encontre des annonces de l’actionnaire principal qui promettait de renforcer ses mises de fonds dans les événements premium.

« Les gens se font des pizzas beIN et plus des pizzas Canal ! » disait Vincent Bolloré en 2015 au cours d’une conférence de presse tenue devant les salariés du groupe audiovisuel. Au final, les téléspectateurs devraient en août 2020 savourer la pizza Mediapro. Durant les deux prochaines années, Canal devra vigoureusement négocier pour au mieux en être le livreur.

Quoi qu’il en soit, l’effet de la perte des droits de Ligue 1 va immédiatement se faire ressentir dans les recrutements comme dans les résiliations. Toutes les offensives initiées ces derniers mois pourraient avoir un impact tout à fait nul.

L’activité du groupe Canal+ sur le marché du clair, pensée à l’origine comme un relais de croissance, ne devrait pas échapper au choc que représente la perte des droits de la Ligue 1. Déficitaire d’une centaine de millions d’euros, le pôle gratuit du groupe n’a pas vu ses audiences grimper depuis maintenant deux ans alors que des objectifs ambitieux avaient été fixés.

En interne, l’annonce de la LFP a été violemment vécue. Les effectifs de la rédaction des sports de Canal, emplis d’innombrables talents, ne se faisaient hier soir guère d’illusions sur le démantèlement à venir de leur service.

Dans un communiqué publié hier soir, le groupe Canal ne s’avouait pas vaincu en rappelant notamment la possibilité d’obtenir une sous-licence de la part de Mediapro. Néanmoins une page de l’Histoire de la télévision française semble bel et bien se refermer.

6 commentaires

  1. En fait, ils ont tenté un quitte ou double car il y avait un prix de réserve sur les 3 premiers lots. Après avoir perdu le premier lot (le plus important), ils ont mis 2 euros sur les 2 suivants, en espérant que l’ensemble serait remis en jeu.
    Pari stupide car ils ont tout perdu.

    1. Attention, la LFP était avec Médiapro. Donc, ça va faire comme en Italie. On va se diriger par la justice. Puis remettre les lots à prendre sans Médiapro. On est pas en Espagne ou on peut faire ce que l’on veut.

  2. La stratégie de Canal interpelle, j’ai du mal à comprendre.

    Ils perdent le Lot 1 face à Mediapro qu’il n’ont pas vu venir, ça peut arriver, soit.

    Pour le Lot 2, les matchs du vendredi 21h et du samedi 17h ne sont pas très intéressants, donc je comprends qu’ils lâchent l’affaire.

    Pour le Lot 3 qui comprend 2 matchs dont le choix numéro 1 pour 28 journée, là, je ne comprends pas pourquoi Canal n’a pas misé gros sur ce lot qui aurait pu les sauver.

    En enfin, cerise sur le gâteau, Canal, en panique totale, se met à miser gros sur le Lot 4 (les matchs les moins intéressants) !!!!!

    Suis je le seul à trouver la stratégie de Canal totalement « débile » ?
    ça donne l’impression qu’ils avaient envie de se saborder volontairement.

    1. En fait, les lots 1, 2 & 3 avaient un prix de réserve commun (en gros si un prix total précis n’était pas atteint, aucun des 3 lots n’étaient attribué), donc Canal a voulu faire capoter le deal du lot n°1 attribué à Mediapro en ne proposant rien (2€…), sauf que ça n’a pas fonctionné. Le lot 4 était à part, donc ça ne leur posait pas de soucis d’enchérir dessus

      1. ok, en fait, Il espérait que Mediapro ne prenne que le lot 1 et que Bein ne mise pas bcp, en gros, canal a eu faux sur toute la ligne.

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