Droits TV : Qui veut diffuser du football féminin ?

Droits TV : Qui veut diffuser du football féminin ?

La Coupe du monde 2023, l'Equipe de France et la D1 sont actuellement à vendre sur un marché peu réceptif

Si le ballon rond s’accapare une partie majeure du marché des droits audiovisuels et une couverture médiatique d’ampleur, cela ne profite que très peu pour l’heure aux compétitions féminines de football, dont l’émancipation annoncée s’accompagne d’inévitables crises de croissance. Et notamment cette année sur le marché français.

Printemps 2019. C’est l’euphorie. Alors que la France organise la première Coupe du Monde féminine de son histoire, l’Olympique Lyonnais s’empare d’une sixième Ligue des Champions, la quatrième consécutive. Depuis un an, Canal+ retransmet en exclusivité l’intégralité du championnat de France féminin et s’est associée à TF1 pour proposer la Coupe du Monde organisée dans notre pays. Sur le plan des audiences, cet évènement sera un succès, avec 10,6 millions de téléspectateurs pour le match d’ouverture sur les deux chaines, et jusqu’à 11,9 millions de téléspectateurs en moyenne pour le huitième de finale contre le Brésil.

Quatre ans plus tard, la soupe est amère. L’investissement de Canal+ dans la D1 ne s’est pas traduit par une amélioration évidente du produit, au niveau des audiences des affiches comme de la qualité de retransmission des matchs secondaires. La visibilité de la nouvelle formule de la Ligue des Champions est limitée en raison de sa diffusion exclusivement en OTT, sur DAZN et Youtube. Et cette année, pour la première fois depuis 2014, aucun club français n’a atteint les demi-finales de la compétition, signe d’un plateau européen qui se densifie, avec des investissements bien plus importants que ceux réalisés en France.

Du côté de l’Équipe de France, l’Euro 2022 a réalisé des audiences inférieures au mondial, en dépit d’une demi-finale des bleues. Par ailleurs, la tentative en 2019 de M6 d’exposer des matchs amicaux sur sa chaine premium dans la foulée du mondial français s’est soldée par un échec. Les audiences du cycle qui se termine se sont maintenues à un très bon niveau pour W9, malgré des matchs au suspens parfois absent, ou programmés en opposition avec des affiches de Ligue 1 voire de Ligue des Champions.

Dans ce contexte, la FFF et la FIFA se retrouvent avec de nombreux droits à vendre sur le marché français, à une échéance rapide.

Une exposition en clair confirmée pour la D1 Arkema et désormais pour le Trophée des Championnes, améliorée pour l’Équipe de France ?

Du côté de la FFF, c’est Jean-Michel Aulas qui a incarné le renouveau souhaité du football féminin à l’occasion d’une conférence de presse. Outre les investissements consentis dans la volonté de professionnaliser en 2024 les deux premières divisions, la fédération a lancé un appel d’offres pour les droits de la D1 sur la période 2023/2027, avec 4 lots principaux, dont un correspondant aux play-offs, nouveauté visant à augmenter la compétitivité d’un championnat dominé par les lyonnaises. Par ailleurs, 10 matchs seront diffusés en clair, sans que la fédération n’ait indiqué quelle serait la valeur sportive de ces affiches. Enfin, le Trophée des Championnes disposera à partir de 2024 d’une diffusion en clair garantie.

Concernant l’Équipe de France féminine, les matchs sont commercialisés dans un lot unique pour la période 2023/2027. Cela débutera avec la préparation à la Coupe du Monde 2023. La fédération mise sur l’arrivée d’un nouveau format de Nation League à la rentrée, avec des matchs plus serrés sur le papier (mais un groupe très abordable pour cette première édition), ainsi que sur les matchs de préparation au tournoi olympique de Paris 2024 pour voir monter les enchères.

Sur l’ensemble de ces droits commercialisés par la fédération, les offres sont à remettre avant ce jeudi 4 mai à 15h (Maj 03/05 : Ce sera finalement le vendredi 12 mai à 16h). Pour le championnat, la fédération souhaiterait une hausse du ticket apporté par Canal+ (1,2 million d’euros par an en plus des moyens de production), mais les signaux renvoyés par la chaine cryptée sont peu rassurants. Le salut pourrait alors passer par l’intérêt d’un autre acteur présent sur le marché. On pense à beIN SPORTS et à Eurosport évidemment, qui pourraient assumer le coût du championnat. Encore faut-il qu’ils en aient la volonté. Cela pourrait attirer également un acteur émergent, tel que DAZN.

Le risque le plus important à l’ouverture des enveloppes serait de voir certains lots ne pas trouver preneurs, pouvant contraindre la fédération à devoir produire elle-même les matchs peu attractifs du samedi 15h par exemple. Concernant les droits en clair, une poursuite de la diffusion sur les antennes gratuites du groupe Canal est le scénario le plus probable si ce dernier maintient son implication. A défaut, cela pourrait entrer dans la stratégie d’un acteur également intéressé par l’équipe de France.

Car c’est encore l’Équipe de France qui constitue le produit le plus attractif de la corbeille. Les matchs sont susceptibles d’intéresser les quatre principaux groupes de télévision français, au regard des très bons scores encore réalisés par W9. A commencer par le groupe M6, sortant, et qui si il n’a pas trouvé satisfaction dans la diffusion partagée de l’équipe de France féminine entre 2018 et 2022, reste impliqué dans le sport. On pense ensuite au groupe TF1, qui pourrait afficher l’exclusivité des deux Équipes de France de football en dehors des compétitions majeures. France Télévisions, qui a diffusé l’Euro 2017 et qui suit les tournois olympiques des bleues pourrait bien être intéressé, avec la possibilité d’adapter sa programmation entre ses chaines, à l’image de la finale de Coupe de France féminine, désormais le samedi après-midi sur France 2, ou de la réussite de l’exposition de l’équipe féminine de rugby. Il y a enfin le groupe Canal, qui pourrait proposer les matchs sur la chaine C8.

Les yeux plus gros que le ventre de la FIFA

En cet été 2023, les évènements sportifs seront nombreux. Probablement trop aux yeux de Gianni Infantino, patron de la FIFA, qui se retrouve incapable de vendre la Coupe du Monde féminine aux diffuseurs des 5 principaux marchés européens. Cette édition organisée en Australie et en Nouvelle-Zélande du 20 juillet au 20 aout sera la première réalisée dans un format à 32 équipes.

Avec plus de matchs et suite à une édition 2019 très réussie, les espoirs de l’instance internationale étaient importants pour les grands marchés européens qui ont porté le développement économique du football masculin. La FIFA espérait donc maintenir des niveaux de revenus similaires d’une édition à l’autre. Mais il n’en a rien été à l’ouverture des offres l’été dernier, à un niveau jugé trop faible par l’organisateur. Infantino s’en est plaint publiquement à plusieurs reprises, évoquant encore cette semaine des offres « très décevantes », et même « inacceptables ». Et le président de la FIFA d’avancer, le fait que « (ces) diffuseurs versent entre USD 100 et 200 millions pour la Coupe du Monde masculine, mais ils ne sont prêts à offrir qu’entre USD 1 et 10 millions pour la Coupe du Monde Féminine ».

La fébrilité des diffuseurs s’explique par un créneau tardif dans la saison (un lancement le 20 juillet contre le 7 juin il y a 4 ans), à un moment où les investissements publicitaires (qui ne concernent pas tous les diffuseurs publics européens) sont très limités, et par des résultats d’audiences intéressants sur les précédentes Coupes du Monde et Euro, mais pour des matchs induisant des enjeux nationaux forts. Surtout, les matchs auront lieu en fin de nuit et en matinée en Europe, ce qui ne facilitera pas la venue des téléspectateurs, même si certains matchs des deux précédentes Coupe du monde masculines et les fréquentes Coupes du Monde de rugby ont montré que cela n’était pas forcément bloquant.

Sur le marché français, la période sera compliquée par une activité sportive chargée, avec des mondiaux de Natation, de Cyclisme et d’Athlétisme pour France Télévisions, dont le patron des sports a récemment indiqué que cette Coupe du Monde féminine n’entrait pas dans les plans, et avec la perspective de la Coupe du Monde de Rugby dont les matchs de préparation auront lieu sur TF1 en aout. La stratégie de M6 est inconnue, alors que la chaine sera investie à la rentrée, à l’instar de France Télévisions et surtout TF1, sur la Coupe du Monde de Rugby en France. Les deux chaines privées semblent malgré tout favorites pour proposer une compétition hors de prix pour le groupe L’Équipe, bien que les horaires des matchs des bleues (autour de midi), pourtant choisis pour arranger notre marché, sont spécifiquement pénalisants pour TF1 qui devrait sacrifier son très puissant journal de 13h. Enfin, l’équation française exige la présence d’un acteur payant, sans que les ambitions de Canal+ ou beIN SPORTS ne soient très claires.

Face à ce constat, Gianni Infantino sort les crocs. Lui qui considère comme une « obligation morale et juridique » le refus de son instance de « brader la Coupe du Monde Féminine », menace les cinq grands marchés européens, dont la France, d’un écran noir. Cette sortie agressive à moins de trois mois de l’évènement illustre la complexité des discussions, alors que les diffuseurs gratuits semblent en position de force dans la négociation puisque la valeur de la compétition et notamment des contrats de sponsoring signés, repose sur sa visibilité. Une absence de diffusion, ou une diffusion limitée à la plateforme OTT de la FIFA, serait un sérieux échec pour l’organisateur qui se couperait d’une partie des revenus TV et affaiblirait ses revenus sponsoring futurs.

Cette situation vient rappeler à quel point il est difficile pour certains sports et compétitions de se faire une place économique et médiatique au milieu d’un paysage toujours plus saturé. Qui plus est sur le créneau des rares événements sportifs occasionnels. Et ce même avec les meilleurs vendeurs de droits au monde dans leurs équipes.

6 commentaires

  1. Audiences de la Coupe du monde 2023 dames.

    Jeudi 20 juillet

    Cérémonie d’ouverture
    ARD 0,77 million 15,9%
    France 2 0,739 million 26,0%
    ORF 1 11 000 téléspectateurs 4%

    Nouvelle-Zélance – Norvège 9h
    ARD 1,10 million 22,9%
    France 2 0,533 million 18,0%
    RAI Sport 0,190 million 1,4%
    ORF 1 25 000 téléspectateurs 9%

    Australie – Eire 12h
    ARD 1,13 million 16,5%
    W9 0,25 million 2,7%
    ORF 1 30 000 téléspectateurs 7%

  2. La FIFA attribue les droits de la Coupe du monde 2023 à l’EBU. En conséquence les matches seront diffusés en Allemagne par ARD et ZDF.
    Les diffuseurs publics France Télévisions, BBC, RAI et TVE devraient eux aussi diffuser les matches.

  3. Les matches de l’équipe de France (hors Euro et Coupe du Monde) seront diffusés sur France 2, France 3 ou W9 entre 2023 et 2027. Cela concerne les matches amicaux, la Nations League et les qualifs pour l’Euro 2025 et la Coupe du monde 2027.

    La D1 reste sur le groupe Canal jusqu’en 2028-2029.

  4. Il semblerait qu’on s’oriente vers une diffusion par France 2, France 3, France 4, M6 et W9.

    France Télévisions n’a pas fait de cette compétition une priorité. Le groupe avait diffusé l’Euro 2017, puis aucun match du Mondial 2019 et de l’Euro 2022. Le groupe public mise pour son été sportif sur les Tours de France et les mondiaux de natation, de cyclisme et d’athlétisme. Visiblement poussé par la ministre des sports et face à l’absence de grande concurrence médiatique, le groupe public devrait diffuser la compétition en alternance avec M6 et W9.

    Les matches de poule sont programmés entre le jeudi 20 juillet et le jeudi 3 août.
    Les matches de la poule A sont programmés à 9h, 7h30, 7h et 10h.
    Les matches de la poule B sont programmés à 12h, 4h30 et 14h.
    Les matches de la poule C sont programmés à 9h30, 9h, et 7h.
    Les matches de la poule D sont programmés à 11h30, 14h, 10h30 et 13h.
    Les matches de la poule E sont programmés à 3h, 9h30 et 9h.
    Les matches de la poule F sont programmés à 12h (France – Jamaîque dimanche 23 juillet sans doute sur M6, France – Brésil samedi 29 juillet sans doute sur France 2, France – Panama mercredi 2 août sans doute M6), 13h et 14h30.
    Les matches de la poule G sont programmés à 7h, 8h, 2h, 9h30 et 9h.
    Les matches de la poule H sont programmés à 10h30, 4h, 6h30, 11h30 et 12h.
    On peut supposer que les matches seront proposés principalement sur France 4 et W9. France 4 a déjà prévu la diffusion des Mondiaux de natation du 23 au 30 juillet entre 13h et 15h. France 2 et France 3 sont aussi occupées par les Tours de France du 20 au 30 juillet.
    Le match d’ouverture jeudi 20 juillet entre la Nouvelle-Zélande et la Norvège à 9h pourrait être diffusé sur France 3 ou M6. Le match Australie – Irlande à 12h pourrait être diffusé sur W9.
    Le match Danemark – Chine samedi 22 juillet à 14h pourrait être diffusé sur M6.

    Les 1/8 sont programmés samedi 5 (à 7h et 10h), dimanche 6 (à 4h et 11h), lundi 7 (à 9h30 et 12h30), mardi 8 avec sans doute la France (à 10h si elle finit 2ème et 13h si elle finit 1ère) avec programmation sur France 2, France 3 ou M6.

    Les 1/4 sont programmés vendredi 11 (à 3h et 9h30) et samedi 12 avec peut-être la France (à 9h et 12h30).
    Les 1/2 sont programmés mardi 15 à 10h et mercredi 16 à 12h. Diffusion sur France 2, France 3 ou M6.
    Le match pour la 3ème place a lieu samedi 19 août à 10h. Diffusion sur France 2 ou M6.
    La finale a lieu dimanche 20 août à 12h. Diffusion sur France 2 ou M6.

  5. Mais La FIFA a craqué! Il y a une loi dans le capitalisme qui est celle de l’offre de la demande. J’aimerais aussi que les droits TV féminins arrivent au moins au tiers du niveau des hommes mais les revenus générés sont très loin de ça. Il faut savoir être réalistes. Le fait que ce soit en Océanie va aider à des cartons d’audiences en Océanie et en Amérique et c’est déjà une bonne chose.
    J’espère qu’on aura quand même un diffuseur en France. Au pire des cas, je fais comme pour la Coupe du Monde masculine : BeIN Sports English.

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