Ligue 1 : Derrière le fiasco Mediapro, un champ de ruines

Ligue 1 : Derrière le fiasco Mediapro, un champ de ruines

Le départ de Mediapro est désormais acté. Après des semaines d’un machiavélique supplice chinois, le groupe dirigé par Jaume Roures laisse derrière lui un bilan très loin des promesses initiales.

C’est l’histoire d’un rêve, celui de voir le football français enfin au niveau des revenus audiovisuels des 4 plus grands championnats européens. Ce rêve, il est devenu réalité fin mai 2018. Suite à un appel d’offres monté de toute pièce pour faire grimper les enchères, les sommes obtenues étaient plus importantes que les projections les plus optimistes de Didier Quillot, Nathalie Du Boy de la Tour et des présidents de Ligue 1 comme de Ligue 2. Cette réalité est devenue cauchemar fin septembre 2020, lorsque Mediapro, principal vainqueur de la fameuse consultation, a décidé de ne plus payer.

Avec plus d’un mois de retard sur ce qu’aurait permis en théorie le contrat, la LFP s’est enfin débarrassée d’un investisseur devenu squatteur. Et ce mauvais payeur a semé de nombreux dégâts par son comportement, mêlant une stratégie bancale, sa mise en échec, et une assurance de façade lorsque fin octobre, Jaume Roures certifiait en conférence de presse qu’il était là sur le long terme.

Une ardoise très salée

De nombreux acteurs en sont pour leurs frais, sur le dos d’une entreprise espagnole qui va retourner à ses affaires avec la garantie de ne pas être poursuivie.

Ce sont en premier lieu les Fournisseurs d’accès à Internet, qui ont pour trois d’entre eux versé des minimum garantis afin de sceller leur accord. En plus de ne pas avoir généré un grand nombre d’abonnements, ces dizaines de millions d’euros constitueront des pertes sèches pour Orange, Bouygues et Free. SFR qui avait travaillé autour de la mise à disposition de la Ligue des Champions tout en conservant les revenus issus des abonnements semble plutôt gagnant dans la partie.

TF1 également avait noué un accord autour de la marque Téléfoot et du prêt de son duo de commentateurs phares pour assurer les plus belles affiches. Le contrat sera interrompu, causant à la première chaine d’Europe un manque à gagner sur des revenus provisionnés, mais surtout un préjudice en terme d’image.

Ce sont par ricochet les abonnés à la chaine, et surtout ceux ayant souscris directement des offres avec engagement ou avec un achat à l’année. Le remboursement sera probablement plus complexe à obtenir que la ristourne accordée en septembre suite à une dégradation temporaire du service.

C’est enfin et surtout la LFP qui se retrouve avec la plus grosse perte. Une perte caractérisée par une ardoise que les clubs ont consenti à effacer partiellement en abandonnant toute poursuite. Cette ardoise, qui correspond aux matchs diffusés sans avoir été payés est estimée à l’heure actuelle à plus de 133M€ HT. Le Parisien indique que la Ligue aurait obtenu un versement à hauteur de 100M€, mais que Mediapro diffusera les rencontres jusqu’à Noël. Autrement dit, selon nos estimations, l’ardoise finale s’élèvera entre 120 et 136 M€ HT. En considérant évidemment que la ligue aura trouvé un diffuseur pour prendre le relais dès le 3 janvier et le match en retard OM/Lens.

Des équipes sur la paille

La catastrophe est financière pour la Ligue, les clubs, mais surtout pour les salariés de Mediapro et de la Chaine Téléfoot, dont beaucoup sont des transfuges d’autres chaines, ou bénéficiaient de ce projet pour obtenir leur premier contrat de longue durée.

Car le milieu audiovisuel est en dehors des têtes d’affiches particulièrement précaire, pour les techniciens intermittents et jeunes journalistes qui, après les écoles, se retrouvent bien souvent rémunérés à la pige. Et il n’est clairement pas acquis que les futurs détenteurs de droits offrent autant d’opportunités dans le sens inverse que n’a pu le faire Téléfoot l’été dernier.

Un marché endommagé

Si les équipes ont réussi à produire une chaine ambitieuse et qualitative, le public n’en a retenu qu’un prix jugé trop important et qu’une distribution incomplète. Cet épisode aura montré au grand jour l’incompatibilité entre les capacités réelles de notre marché et les ambitions écrites dans les enveloppes remises aux ayants droits. La valorisation des droits audiovisuels en France depuis 10 ans est bien trop importante pour qu’un acteur puisse vivre économiquement par la seule activité d’édition de chaines sportives premium.

Pire, depuis 2018 et l’arrivée de RMC Sport à la distribution également limitée, les pratiques de piratage se sont très largement démocratisées face à un rapport qualité-prix jugé inopportun par ces consommateurs. Téléfoot a fait rentrer des boitiers pirates au sein de foyers jusqu’à présent imperméables au piratage, et notamment le parc d’abonnés à Canal+. Cela ne fait que renforcer le constat d’une décroissance de notre marché. La nette inflation constatée depuis 5 ans sur les droits premium n’était qu’une illusion. Et non, ce n’est pas un cauchemar, mais bien la réalité. Le réveil est brutal.

6 commentaires

  1. Les droits de la ligue europa 2021-2024 vont être remis en jeu sauf l’affiche du jeudi 21h et les deux finales (ligue europa et ligue conférence) qui seront diffusées par canal+ (sûrement canal+ décalé et W9)

      1. Non, Mediapro avait bien remporté l’appel d’offres pour l’essentiel des matchs d’Europa League (UEL) et d’Europa Conference League (UECL) après avoir été battu par l’alliance Canal+/beIN Sports pour la Ligue des Champions.

        Alors que Canal+ (en crypté) et M6 (en clair) se sont assurés les droits de la plus belle affiche programmée chaque jeudi de compétition (UEL et UECL confondues) et des deux finales, Mediapro avait obtenu les droits de tous les autres rencontres des deux compétitions, soit jusqu’à 31 matchs chaque jeudi répartis sur trois cases horaires.

        L’UEFA devrait donc très vite relancer un appel d’offres pour ces lots… et demander des explications à Mediapro, qui pourrait devoir payer des pénalités financières.

  2. Sur cette belle photo du Parc des Princes, on peut y lire « PARIS SAINT-GERMAIN / RÊVONS PLUS GRAND ».
    Bon bah là, aujourd’hui, c’est « LFP / RÊVONS PLUS PETIT ». Oui ! Le réveil est (sûrement) brutal.

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