Ligue 1 : Qui peut sauver le soldat Mediapro ?

Ligue 1 : Qui peut sauver le soldat Mediapro ?

Alors que le championnat se poursuit, son principal diffuseur, la chaine Téléfoot détenue par Mediapro, n’a toujours pas réglé le deuxième des 6 versements attendus cette saison.

L’équation économique semble impossible au regard de la situation estimée de la trésorerie de la maison mère de Mediapro, Imagina Media Audiovisual, par l’agence de notation Moody’s et relayée par Capital. L’entreprise espagnole qui réalisait en 2019 un total de 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour 224M€ de bénéfice avant impôts (EBITDA), est en mauvaise posture. Elle ne dispose pas, par le biais de son activité habituelle de production audiovisuelle, de gestion de droits et d’édition de chaines gratuites (en Espagne), de la surface financière lui permettant d’assumer immédiatement la charge des droits tv français.

En outre, le projet Téléfoot en France n’a pas permis de générer, via les minimums garantis prévus par les contrats avec les opérateurs, le surplus de trésorerie envisagé dans le modèle économique de la chaine. Face à cette impasse financière à court terme, Jaume Roures est donc entré en conflit contre la LFP, refusant d’honorer le paiement d’octobre (172M€ TTC) puis annonçant son intention de faire de même pour le versement de décembre (152,5M€ TTC). Une procédure de conciliation menée en parallèle auprès du tribunal de Nanterre empêche pour le moment la LFP de rompre le contrat pour défaut de pairement. Cela laisse l’ensemble du football français dans une incertitude renforcée par l’entrée en confinement et le passage de l’intégralité des championnats en huis clos total.

Face à cette situation, plusieurs acteurs pourraient intervenir afin d’éviter un défaut de paiement définitif, non sans conséquences sur le contrat de droits audiovisuels signé sur la période 2020/2024.

Une aide provenant des actionnaires de Mediapro… jusqu’à la recapitalisation ?

Face au refus de paiement de Mediapro France, il convenait de regarder l’ensemble de ses actionnaires. La maison mère en Espagne, Imagina Media Audiovisual, ne dispose donc pas de la puissance financière pour réaliser le paiement. La dégradation de la note des divers emprunts de l’entreprise par l’agence de notation Moody’s limite très nettement l’hypothèse d’un prêt pour renflouer à court terme l’entreprise déjà endettée à hauteur de 920M€.

La société Imagina est de son côté détenue par plusieurs acteurs. L’actionnaire majoritaire, largement évoqué dans la presse, est la société chinoise d’investissements Orient Hontai Capital, entré début 2018 dans l’entreprise à hauteur de 53,5% contre un milliard d’euros environ. Trois actionnaires complètent le tour de table, le patron-fondateur Jaume Roures (12%), l’investisseur espagnol Tatxo Benet (12%) et l’entreprise anglaise WPP Group (22,5%). Les actionnaires chinois et anglais disposent de la plus importante surface financière, mais n’auront pas forcément d’intérêt à venir secourir un projet économique chancelant.

En cas de défaut de paiement, l’entreprise espagnole comptant 6500 salariés en 2018 pourrait alors faire l’objet d’une recapitalisation intégrant un nouvel investisseur au sein de l’équation. A défaut d’investisseurs, les créanciers pourraient dans un scénario plus long et complexe entrer autour de la table et transformer leurs créances en actions de l’entreprise. Encore faudrait-il que la LFP trouve un intérêt à disposer d’actions Mediapro à l’avenir.

Un accord avec la LFP : Des aménagements possibles, mais limités

Pour passer cette mauvaise période, Jaume Roures souhaite officiellement renégocier l’année de contrat en cours, sans remettre en cause les engagements pris sur les 3 années suivantes. Deux options ont été avancées. La première verrait le calendrier des paiements être réaménagé, avec une plus grande partie des près de 830M€ HT annuels dus versés au printemps 2021. Dans les faits, ce décalage est déjà en cours. Mediapro pourrait cependant obtenir un abandon des pénalités de retard prévues au contrat, à condition de payer d’ici Juin l’ensemble de la somme initialement promise.

La seconde option consisterait à accorder une ristourne en raison de la crise sanitaire. Cependant, à l’heure actuelle, l’équilibre du contrat n’a pas été perturbé suffisamment pour justifier ce type de remise sans que cela ne pose de légitimes questions. Toute modification du contrat serait donc fortement observée par les tiers que constituent les perdants de l’appel d’offres de 2018 et les autres diffuseurs des deux championnats.

Il faudra donc obtenir la bénédiction de Canal+, beIN SPORTS et Free en leur accordant probablement une ristourne proportionnellement similaire. En outre, si les nouveaux montants approchent des mises perdantes au moment de l’appel d’offres, Canal+ et beIN SPORTS seraient en droit de dénoncer une procédure biaisée. Canal+ enfin, pourrait être à sa manière le sauveur de son principal concurrent.

Canal+ : Coup de main ou Coup de grâce ?

Maxime Saada, patron de Canal+, ne croit pas au modèle de Mediapro. Comme il l’a rappelé très récemment auprès des Echos, il alertait dès 2018 sur l’aspect déraisonnable des mises de Jaume Roures. Et le temps, couplé à une stratégie de fermeté vis à vis du nouvel entrant, semble lui donner raison.

Dans un premier temps, dans les premiers trimestres suivant l’appel d’offres, Canal+ a refusé d’acheter le lot 1 comprenant l’affiche emblématique du dimanche soir. Puis, après avoir obtenu les très prisés droits de la Ligue des Champions pour la période 2021/2024, le groupe s’est associé avec beIN SPORTS, à la fois en matière de distribution et en matière de droits sportifs, en obtenant deux rencontres par journée de Ligue 1 sur la période 2020/2024. De fait, début 2020, Canal+ avait dores et déjà réinvesti une partie des montants auparavant attitrés à la Ligue 1 vers la Ligue des Champions et l’accord avec beIN.

C’est donc dans une position de force que le diffuseur historique du championnat de France a pu aborder les négociations sur la distribution de la chaine Téléfoot. Et il a pu se permettre d’adopter une ligne inflexible, entrainant un blocage nettement préjudiciable pour les affaires de Jaume Roures. Ne pas bénéficier de la force de distribution du groupe Canal est problématique dans la conquête d’abonnés et la trésorerie n’est pas abondée par un minimum garanti que Mediapro espérait généreux. Dans le même temps, les abonnés à Canal+ sont restés fidèles, convaincus notamment par la sécurisation des droits de la C1 et par la présence, bien que réduite, de L1 à l’antenne.

Canal+ se trouve aujourd’hui en position de pouvoir laisser trainer la situation, jusqu’à l’échec complet du projet Téléfoot qui semble se dessiner. Mais le groupe dispose également de deux leviers si il ne souhaite pas que le contrat soit rompu et que les droits soient réattribués : Négocier de façon très avantageuse un contrat de distribution pour la chaine Téléfoot et/ou racheter un lot premium de Ligue 1. Cela permettrait à Mediapro de retrouver quelques marges de manœuvre, offrant un nouvel équilibre dans la répartition de la charge financière entre les acteurs.

Maxime Saada se plait à le répéter dans la presse : Canal+ ne souhaite pas réinvestir à perte dans le football. Sans préciser si le scénario où Canal+ viendrait au secours du football français en récupérant toute la Ligue 1 contre 600 à 800M€ annuels lui conviendrait véritablement.

2 commentaires

  1. LIGUE 1 : QUI PEUT SAUVER LE SOLDAT MEDIAPRO ?

    Ce ne serait pas plutôt

    LIGUE 1 : QUI VEUT SAUVER LE SOLDAT MEDIAPRO ?

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