Un an avant son arrivée, le spectre de Mediapro plane sur la Ligue 1

Un an avant son arrivée, le spectre de Mediapro plane sur la Ligue 1

Ce n’est pas une rentrée anodine. Avec la reprise de la Ligue 1, les communications habituelles de rentrée ont une saveur particulière, à un an de l’entrée en application des nouveaux droits audiovisuels de la Ligue 1 et la Ligue 2, attribués à la surprise générale pour une grande partie à un nouvel entrant, l’espagnol Mediapro.

Comment verra-t-on la Ligue 1 dans un an ? La question peut paraître inhabituelle, mais elle est pourtant essentielle en cet été 2019, tant le séisme prévu pour 2020 s’annonce d’ampleur.

Rappel des faits : Juin 2018, sourires sur les visages de Nathalie du boy de la Tour et de Didier Quillot, dirigeants de la Ligue de Football Professionnel. L’appel d’offres pour les droits domestiques sur la période 2020-2024 a atteint un montant satisfaisant, n’en déplaise aux sceptiques qui prédisaient un échec. Le mécanisme particulièrement complexe des enchères a fait une victime principale, Canal+. Les dirigeants de la chaine cryptée s’attendaient à un mano à mano avec beIN SPORTS et n’ont pas su entendre les avertissements plus ou moins explicites faisant écho d’intérêts extérieurs pour le football français.

Résultat, Mediapro est le grand vainqueur. 8 à 9 matchs par journée, dont les principales grandes affiches de la saison contre 780M€ par saison. beIN SPORTS de son côté sauve l’essentiel en payant 2 matchs par journée contre 320M€ et la promesse de disposer du premier choix 28 journées par saison. Plus d’1,1 milliard pour les droits de la Ligue 1 et son diffuseur historique écarté, c’est alors inouï.

Quel patron pour lancer la chaine ?

Le surlendemain de l’annonce, Jaume Roures, patron du groupe hispanique, réalisait une conférence de presse euphorique, promettant de bel et bien diffuser les matchs acquis en dépit des possibilités de sous-licence permises par le règlement de la consultation. Le dirigeant dont la seule présence dans l’hexagone se résume à une société de fourniture de services de production audiovisuelle, Imagina (depuis renommée Mediapro) promet alors une chaine de football pour 25€ par mois.

Depuis, c’est le calme plat. Mediapro dispose aujourd’hui des droits de la Ligue 1 (renforcés depuis par la Ligue 2), du savoir faire (Imagina a permis la mise en route technique de beIN SPORTS France en 2012) et de temps. Cependant, les mois s’égrènent, sans que rien ne soit annoncé, au point d’inquiéter certains dirigeants de clubs.

Comme l’a rappelé le quotidien L’Équipe, la consultation imposait à la chaine de disposer d’un directeur exécutif dès le 1er juillet 2019 pour préparer son lancement. Et alors que le nom était promis initialement par Jaume Roures pour février, il faudra encore patienter plusieurs semaines pour connaitre cet élément clé du succès d’une chaine. En 2012, c’est Charles Biétry, ancien de chez Canal+, qui avait apporté son savoir faire pour lancer beIN SPORTS.

Plus inquiétant, une liste de personnalités ayant décliné commence à être dressée par Le Parisien, qui évoque les refus de Cyril Linette, ex de Canal+ et désormais patron du PMU, mais aussi de Hervé Mathoux, présentateur vedette du Canal Football Club de la chaine cryptée. Le nom de François Pesenti (RMC Sport) a été évoqué début 2019 lorsque il a fait le choix d’activer sa clause de départ du groupe Altice, mais il a fermement démenti.

Comment arriver au seuil de rentabilité ?

Le casse-tête pour déterminer un patron est d’autant plus important que l’on ne connait pas l’ambition éditoriale et les moyens mis à disposition de la future chaine. En effet, l’équilibre financier sera bien complexe à obtenir avec une mise de départ qui pourrait approcher le milliard d’euros sur la première année d’exploitation, et alors que l’investissement du groupe espagnol en France semble avoir une finalité exclusivement pécuniaire.

Dans le même temps, des discussions auraient lieu en sous-main avec les acteurs du secteur de la distribution audiovisuelle, dont le groupe Canal. Toutes les options sont envisageables, sachant que si Mediapro imite le modèle de beIN SPORTS, disponible partout, une part non négligeable du prix public de l’abonnement sera ponctionnée par l’État et les intermédiaires. Avec un prix d’appel à 25€, il faudrait ainsi 4 à 5 millions d’abonnés, sans contenu supplémentaire, pour approcher l’équilibre. beIN SPORTS, après 7 ans d’exercice, semble parvenu ces derniers mois à un équilibre autour de 3 à 3,5 millions d’abonnés.

Une autre solution consisterait à nouer un partenariat plus important auprès d’un des acteurs en place, afin de réduire les couts d’entrée, voire de se délester de tout ou partie des droits. Cette option nécessiterait probablement un aval des régulateurs, et donc une issue rapide.

In fine, c’est peut-être un rendez-vous annoncé qui freine la mise en place du groupe espagnol. La négociation pour les droits de la Ligue des Champions aura lieu cette saison, et pourrait même être avancée par l’UEFA avant l’hiver. Une victoire sur ce dossier permettrait à Mediapro de proposer en 2021 une offre imbattable commercialement. Si le vainqueur est ailleurs, il disposerait d’une monnaie d’échange non négligeable dans d’éventuelles tractations entre acteurs du secteur.

Quel avenir pour la Coupe de la Ligue et le Trophée des Champions ?

La ligue de son côté, en plus de peiner à voir venir son futur diffuseur, n’a pas totalement réglé les dossiers relatifs au cycle médias 2020-2024. L’attribution des droits de la Ligue 2 s’est faite sans encombres, offrant les Barrages et Play-Offs à beIN SPORTS, mais il reste encore un lot de Ligue 1, taillé pour les diffuseurs gratuits, à attribuer.

Les Trois Multiplex, le Trophée des Champions et les Barrages sont à vendre, et suite au succès économique de la consultation intiale, la LFP aurait aimé qu’un diffuseur gratuit s’y intéresse, afin d’améliorer l’exposition de ses produits. C’est particulièrement criant pour le Trophée des Champions, souvent diffusé en clair depuis sa création au début des années 90, et qui depuis 2011 est sur une chaine payante. Les opérations commerciales hors de France ont par ailleurs influé sur l’horaire de diffusion (13h30 cette année), rendant l’audience d’autant plus confidentielle. La LFP s’est ainsi félicitée de l’audience en Chine du match à 1,8 millions de téléspectateurs. Dans le même temps, la Supercoupe d’Allemagne réunissait plus de 8 millions de téléspectateurs sur la deuxième chaine allemande.

Reste à trouver un diffuseur en clair intéressé, à l’heure où ces derniers sont de plus en plus économes, en témoigne l’absence d’accord concernant les droits de l’Euro 2020 ou encore l’absence de marques d’intérêt au sujet de la Coupe de la Ligue dont France Télévisions va se délester avec plaisir la saison prochaine. Faute d’intérêt de la part des acteurs payants, l’avenir de la compétition s’annonce en pointillés, même si il faut toujours envisager l’improbable en matière de droits sportifs.

 

7 commentaires

  1. Je ne vois pas comment Mediapro peut espérer atteindre 5 millions d’abonnés, surtout à 25€/mois…
    NB : très bon article.

  2. Bonjour 25 euros pour voir la ligue 1 et 2 pour la chaîne mediapro ça risque de pas faire beaucoup de abonnés après chez les opérateurs par sur que ça va arriver vue le prix de l abonnement

    1. je sais pas pourquoi mais je sent l’IMPOSTURE MEDIAPRO ARRIVER A GRAND PAS !!!!!
      Surtout si ils ne remportent pas l’appel d’offre de fin d’année pour la ligue des champions 2021/2024 !!!!
      Enfin on verra bien….. 25e/mois cela me fait bien rire… !!!!

      1. Pour la ligue des champions je vois bien un consensus avec SFR et Canal. Pour un prix de 100 millions chacun.

      2. SFR a cédé via Satellite, les Droits des Coupes d’Europe à Canal. Mais une entente n’est pas impossible. Dans ce cas, il faudrait que SFR accepte d’autoriser la Retransmission Terrestre chez CANAL.

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