Jean-Maël Gineste (DG de Fanseat) : « On se développe surtout dans le basket, le football et le hockey sur glace »
Jean-Maël Gineste est le Directeur Général de Fanseat, plateforme mondiale de streaming de sport en direct pour les fans. Elle diffuse en France les championnats de hockey sur glace, dont l’intégralité de la Ligue Magnus. Jean-Maël Gineste nous explique sa collaboration avec le hockey sur glace français et ses projets de développement.
Pouvez-vous nous présenter Fanseat ?
L’actionnaire de Fanseat est la société finlandaise Elisa, l’opérateur télécom national, et c’est initialement un projet pour la production et la diffusion en direct des championnats finlandais de hockey sur glace, basketball, football et floorball. C’est un site de streaming, qui nous permet d’être diffusé partout dans le monde. Il y a 2 ans et demi, nous avons commencé à explorer et contacter les fédérations et les ligues pour diffuser du sport en dehors de la Finlande, essentiellement en Europe. Nous avons ciblé les sports en manque de visibilité, les championnats de deuxième troisième niveau, même avec quelques matchs diffusés en télévision, pour proposer une production plus légère, moins chère et qui permet de capter tous les matchs.
Avec qui avez-vous commencé à travailler en dehors de la Finlande ?
Le premier projet que nous avons fait en dehors de la Finlande est avec la Fédération Française de Hockey sur Glace (FFHG) avec la Ligue Magnus, et depuis ça a grandi puisqu’on produit de manière différente les championnats de Division 1 et 2, les niveaux 2 et 3 du hockey sur glace en France. Pour ces niveaux inférieurs, on n’a pas une équipe professionnelle qui capte les matchs, on met à disposition avec la FFHG aux clubs un matériel de captation : caméra, trépied, boîtier de streaming et casque audio. Les clubs produisent les matchs eux-mêmes, on les forme et on les briefe, ils diffusent le match sur Fanseat et on partage les revenus qui sont générés. L’investissement financier pour la production est de ce fait limité et cela permet aux clubs de diffuser le match et de donner de la visibilité à leurs partenaires, et de fournir aux coachs les images pour analyse. Et derrière de pouvoir faire du revenu avec cette diffusion.
C’est donc une seule caméra en plan large au centre du terrain ?
Tout à fait, c’est la même production que nous faisons sur la Ligue Magnus, la seule différence est un cahier des charges beaucoup plus léger. Sur la Ligue Magnus, on passe par des sociétés de production spécialisées dans la captation sportive, et que l’on rémunère. Il y a un cadreur, un réalisateur sur place avec la valise de streaming qui fait tout ce qui est insertion graphique, entre autres, et un à deux commentateurs, qui sont des bénévoles mis à disposition par les clubs. Et la connexion internet est également fournie par les clubs. Pour les autres divisions, c’est un cadreur mis à disposition par le club utilisant un boîtier de streaming où il peut mettre à jour le score. Il n’y a pas de graphismes très évolués et rarement des commentateurs. C’est une captation légère qui permet aux fans de suivre leurs équipes.
Combien coûte un match produit pour la Ligue Magnus ?
C’est confidentiel, ce sont des tarifs négociés, mais c’est vraiment une fraction des coûts de production standards. La chaîne L’Equipe produit et diffuse quelques matchs de Ligue Magnus par saison, nous connaissons les coûts de production en TV avec 6 à 8 caméras, un car régie et une liaison satellite, les coûts sont assez élevés. C’est pour cela que les chaines de télévision ne peuvent pas produire des championnats à plus faible audience dans leur intégralité car la Ligue Magnus c’est 350 matchs par saison, il faudrait que ce soit un très gros championnat avec une grosse audience qui justifie de tels investissements.
Vous diffusez tout le hockey sur glace français ?
On ne fait pas tout, même si c’est une petite fédération il y a beaucoup de championnats, que ce soit au niveau national ou régional. On a commencé par la Ligue Magnus parce que c’est le championnat professionnel français. Il y a beaucoup de joueurs étrangers aussi, et la dimension internationale de Fanseat est intéressante : on a des abonnés américains, canadiens ou européens. Dès la première année on avait aussi lancé la production de la Coupe de France à partir des 1/16ème de finale, ça donnait à des clubs de divisions inférieures l’opportunité de se mettre en avant aussi. À la fin de la première saison de partenariat avec la FFHG, fin 2017, on a lancé ce projet de diffuser les divisions inférieures, et on produit en collaboration avec la FFHG aussi les matchs des équipes nationales à domicile, que ce soient les Séniors, les Juniors ou même les équipes féminines.
Et le championnat féminin ?
On ne couvre pas le championnat féminin, qui est encore très peu suivi. Il y a des opportunités de faire plus, mais la fédération a des ressources humaines limitées pour mettre en place les projets à tous les niveaux. Petit à petit on fait grandir le projet. L’avantage des productions légères qu’on fait dans les clubs de divisions inférieures, c’est que vu que l’équipement est mis à disposition par la fédération, les clubs peuvent capter ce qu’ils veulent. S’ils ont une équipe junior qui joue, où s’ils accueillent des matchs internationaux, ils peuvent produire ces matchs, et plus ils produisent, plus ils diffusent et plus ils peuvent générer des revenus, parce qu’on partage les revenus de tous les matchs. Et ça met les clubs et leurs sponsors en avant.
La Fédération est contente de ce contrat avec vous ?
Elle est très contente, on a signé un partenariat de 3 ans en 2016, que nous sommes en train de renouveler. La visibilité dans les sports mineurs est quelque chose qui manque cruellement, ça permet à la fédération de développer les championnats et le hockey sur glace en France.
Vous ne faites pas d’acquisition de droits de diffusion, vous captez juste les matchs pour partager les revenus ?
Quand on se positionne sur ce genre de sport, ce sont des droits qui ne sont pas valorisés, parce que justement il n’y a pas de diffusion. Notre contribution à la valeur des droits est le coût de production que nous couvrons (pour la Ligue Magnus NDLR). Et pour ces championnats nous avons l’exclusivité des droits à l’international sur toutes les plateformes.
Vous avez des projets de développement en dehors du hockey sur glace ?
On a testé pas mal de choses en France en 2016, on a fait des tests avec la fédération française de handball sur le Nationale 1, qui est le niveau 3. On l’a fait sur les dernières Journées de championnat, mais ça n’a pas été trop développé, parce que la fédération n’avait pas trop de temps à consacrer à ce projet. On a fait aussi une partie du championnat de France de water polo, on avait fait des matchs de championnat et des matchs de coupe, et également avec le championnat de France de baseball et de roller hockey. Ces tests n’ont pas été très concluants au final. L’intérêt des fans était trop limité pour payer 7,99 euros par mois pour accéder au service, on n’avait pas d’audiences assez importants pour justifier un investissement. On est toujours ouverts, on discute toujours avec plusieurs fédérations dans le football, le rugby ou le basket en France comme à l’étranger.
Et quels sont vos projets en dehors de la France ?
On a couvert la saison dernière le championnat de basketball belge, et le championnat de handball belge et hollandais. On a lancé cette saison le championnat de basketball au Danemark, où la fédération diffuse uniquement une dizaine de matchs à la télévision. On a lancé d’autres projets dans le football en Albanie et aussi la ligue de basketball lithuanienne depuis septembre qui marche très bien sur notre plateforme. Sans compter tous nos droits en Finlande, avec le hockey sur glace, les deux premières divisions de basketball et la Ligue 2 de football. On se développe surtout dans le basketball, le football et le hockey sur glace, on regarde les opportunités où elles sont. Il y a de la production, parfois on fait des achats de droits à l’international parce qu’on pense qu’il y a une audience internationale en dehors du pays, grâce aux communautés expatriées importantes. Et parce que ces droits ont une petite valeur.
Vous voulez vous développer dans le monde entier ?
On se focalise sur l’Europe parce que tous nos process techniques et de diffusion sont en Europe, ainsi que notre service client. On a un suivi continu pendant les diffusions pour aider les clients à se connecter, à s’abonner et pour répondre à toutes les questions. On a un écosystème qui reste en Europe, où on n’a pas des contraintes horaires importantes, même si on a déjà fait des tests en Asie ou aux Etats-Unis. Avec tous les droits acquis cette saison, on a entre 15 et 20 championnats que nous diffusons sur notre plateforme, plus de 3 000 matchs par saison.
Le streaming est un outil qui se démocratise ?
En fonction des pays, le streaming est un moyen de diffusion qui commence à se développer, on ne se substitue pas du tout à des chaines TV comme L’Equipe, notre coeur de cible est le fan de championnats peu exposés qui veulent voir leur équipe. On n’est pas une chaîne de sport, on est une chaîne où l’abonné vient suivre son équipe, ou le championnat au sens plus large. On a des audiences beaucoup plus faibles que les chaînes de télévision gratuites ou payantes.
Est-ce que dans 5 ou 10 ans vous pourriez avoir la crédibilité suffisante pour acquérir des championnats majeurs de sports populaires ?
Aujourd’hui notre positionnement n’est pas du tout sur du premium pour des raisons financières, on essaye de créer quelque chose de nouveau, j’imagine plutôt que dans 5 ou 10 ans on aura de nouvelles solutions techniques et qu’on se positionnera sur de nouveaux événements ou de nouveaux sports. Tout dépendra aussi de l’évolution de la manière dont les droits premium seront distribués, aujourd’hui c’est un marché très compétitif, qui fait énormément gonfler la valeur des droits, et ce n’est pas un secteur sur lequel on veut s’engager. On vise plutôt des championnats à potentiel où nous créons de la valeur, et que nous proposons aux fans pour qu’ils puissent regarder les matchs où ils sont et quand ils le veulent. Les technologies évoluent pour offrir une meilleure qualité et stabilité d’image, et qui dans quelques années n’auront rien à envier aux diffusions traditionnelles en télévision.
Dommage de ne pas avoir de mention de l’ultimate frisbee dans cette interview, alors que cette discipline est pas mal valorisée sur fanseat.
J’aurais également aimé avoir son avis sur le fait que la LNV ait lancé le même type de plateforme pour la Ligue A de Volley et si Fanseat s’était positionné là-dessus.
Cela dit, cela reste une interview intéressante.