Les Bleus 2018 : « Ce documentaire va se bonifier avec le temps »
« Les Bleus 2018, Au coeur de l’épopée russe », c’est le film diffusé par TF1 2 jours après la finale victorieuse de la France pendant la Coupe du Monde de football en Russie, c’est 7 millions de téléspectateurs lors de la première diffusion, en plus des rediffusions sur LCI. « Au coeur de l’épopée russe », c’est l’aventure incroyable d’une nouvelle génération de footballeurs qui sont allés chercher une deuxième étoile avec la rage et l’envie de vaincre, c’est 2 heures de film, qui sort en DVD aujourd’hui, mardi 4 septembre.
Pour mieux comprendre ce film, j’ai rencontré les deux réalisateurs, Emmanuel Le Ber et Théo Schuster, lors de leur tournée de promo pour le DVD. Entretien par téléphone depuis les locaux de leur agence de comm. J’ai 20 minutes top chrono pour essayer de placer une question dans leur flux de réponses, tant ils sont bavards et toujours aussi passionnés par leur film. Je reconnais facilement l’accent marseillais de Théo Schuster, habitué des documentaires sportifs. Il a réalisé, entre autres, plusieurs épisodes de « Looking for », avec Eric Cantona. Emmanuel Le Ber revendique son accent toulonnais, plus discret. Il est plutôt cadreur, a participé au Petit Journal, et réalise des documentaires depuis quelques années, notamment pour Paris Première.
Bonne ambiance entre eux, haut parleur à fond sur mon téléphone pour enregistrer notre conversation, discuter avec ces deux amis de 20 ans est un vrai bonheur de journaliste. Avoir deux réalisateurs à questionner, on a toujours des réponses étonnantes, différentes et complémentaires. Par exemple, leur meilleur souvenir des deux mois de tournage est diamétralement opposé. Théo Schuster revendique immédiatement le coup de sifflet finale du dernier match, avec toute la pression qui retombe, le plaisir de la victoire et l’assurance que le film sera bien diffusé sur TF1. Pour Emmanuel Le Ber, c’est plutôt l’arrivée à Clairefontaine, lieu mythique pour tous les supporters de l’Equipe de France, la première nuit au « château », comme il appelle le centre technique du football français.
La genèse du film est plus classique. Ce sont en fait deux producteurs qui contactent le duo de réalisateurs. Raphael et Lionel Uzan, producteurs à Federation Entertainment, sont plus habitués aux plateaux de cinéma ou de séries TV qu’à la pelouse d’un stade de foot. C’est un entrefilet dans L’Equipe qui motive les deux frères, il y a quelque chose à faire pour les nouvelles plateformes de diffusion comme Netflix ou Amazon. Ils appellent les deux compères, et leur proposent de réaliser un documentaire inside sur l’Equipe de France de football, en plusieurs parties de 30 minutes. Théo et Emmanuel les écoutent gentiment, et trouvent finalement le sujet intéressant. Qui ne le serait pas en fait ? Suivre l’Equipe de France de l’intérieur pendant une Coupe du Monde, ça reste une aventure unique à vivre. Reste quelques écueils à passer : convaincre la Fédération Française de Football (FFF) et vraisemblablement l’entraîneur, Didier Deschamps.
Emmanuel Le Ber se remémore une période assez étonnante, où les portes s’ouvrent facilement à la FFF, jusqu’à Didier Deschamps, qui les reçoit pendant deux heures, attentif à leur projet. Ce sera finalement oui, avec une condition : le film n’existe que si la France va en finale de ce Mondial. Sinon, c’est la poubelle pour tout le projet. Le risque est grand pour la production, mais tout le monde se lance dans l’aventure. Le projet se concrétise enfin.
La FFF est d’ailleurs coproductrice du film. Florence Hardouin, la Directrice Générale, sera en contact quotidien avec les réalisateurs lors du tournage. Les relations entre eux sont assez simples. Théo Schuster nous explique qu’ils ont conçu le film en 4 épisodes. Ils organisaient le tournage en ce sens, en demandant un certain laps de temps par épisode. La FFF visionnait alors chaque épisode fini, au fur et à mesure du tournage. Florence Hardouin validait alors l’épisode. Il y a eu quelques petites corrections demandées, raconte Théo Schuster, des gros mots ou des insultes pendant les interviews, qui ne cadraient pas vraiment avec ce que la FFF voulait montrer. Mais globalement, la relation avec la FFF s’est faite en bonne intelligence, pour le bien du film.
Emmanuel Le Ber confirme cette bonne relation avec la FFF, en précisant que contractuellement « ils avaient le droit de déconstruire, mais pas de reconstruire ». C’est-à-dire que la FFF pouvait demander à enlever quelque chose qui ne leur plaisait pas, sans exiger un remontage de la séquence. Et faire un film sur l’Equipe de France, en 2018, implique forcément ce genre de deal. Finalement, le film fini ressemble fortement à ce que les réalisateurs avaient écrit pour présenter le projet à la FFF : la dimension humaine de l’aventure, mettre en place des personnages, une caméra empathique, et la narration sur quatre épisodes.
Didier Deschamps s’était qualifié « d’Inspecteur des travaux finis », demandant juste le visionnant du film terminé. Mais avec la victoire et l’euphorie générale, il a vu le film le mardi soir sur TF1, tout comme les joueurs de l’Equipe de France. Emmanuel Le Ber a reçu un SMS de Didier Deschamps après la diffusion, disant qu’il était « content du résultat », tout en s’excusant de ne pas « être facile à vivre. » Pour Emmanuel Le Ber, c’était l’enjeu du tournage : faire le meilleur film possible sans entraver la progression du groupe. Il reconnait en Didier Deschamps quelqu’un de méticuleux et de très protecteur envers « son bébé », cette Equipe de France version 2018.
La pression de tourner dans le cadre d’une Coupe du Monde, et avec des joueurs connus ? Théo Schuster explique : On ne pense pas à tout ça, sinon on se met soi-même la pression. Avec la diffusion conditionnée à la présence en finale, on était au même niveau que les joueurs, et finalement intéressés au résultat. Il y a eu quelques moments de doute, quand même. Je ne peux pas cacher qu’après le match amical contre les Etats-Unis, on se regarde un peu et on se demande si on va aller loin. Puis il y a le match contre l’Argentine, qui est le déclic pour tout le monde. On perd 2-1, je suis tellement tendu que je quitte le stade, je finis au Media Center pour aller regarder, et puis je vois que ça se retourne et qu’on revient au score, et je fonce sur le stade.
On s’est retrouvés face à des gars assez normaux, finalement, ajoute Emmanuel Le Ber. Est-ce que c’était notre façon de les aborder, ou est-ce qu’ils avaient des consignes ? Je ne sais pas. C’était des gars travailleurs, avec le sens du sacrifice, bien conscients de là où ils sont et où ils peuvent aller. On aime notre sujet, et on a aussi envie de montrer leurs plus belles facettes, c’est ce qu’on a envie de raconter. On voulait que tout le monde puisse se retrouver dans ce film, et que ce soit des ondes positives. Et ces plus ils ont gagné, ils nous ont facilité le travail.
Deux mois de tournage, ça doit faire beaucoup d’heures d’images. Je ne suis pas le premier à leur demander ça, ils estiment à 300 heures de rushs au total. Ils ont encore « des choses sous le coude » me dit Emmanuel, mais ils ont mis ce qu’ils voulaient mettre dans le film. Si la diffusion n’avait pas été aussi proche de la finale, ils auraient d’ailleurs sûrement fait un film un peu différent. Avec autant d’heures de rushs, peut-être verrons-nous un 2ème film pour le premier anniversaire de la victoire ? J’aurais dû poser la question.
L’avantage de la diffusion si proche, en cas de victoire finale, c’est que le montage commence dès le début du tournage. Théo m’explique qu’ils avaient un bureau à Clairefontaine, avant de partir en Russie, pour le monteur et son assistant. Emmanuel et Théo pouvaient ainsi se partager le travail : quand l’un allait en interview, l’autre pouvait la visionner plus tard, avec un regard plus posé, en plus de celui du monteur, Bertrand Briard. Une fois la mécanique du film trouvée, les séquences s’enchaînent facilement.
Emmanuel confirme : C’est un film facile à faire, c’est chronologique, toute la dramaturgie vient de l’aspect sportif des résultats. On est face à des profils que l’on a envie de creuser. On avait écrit des personnages : le taiseux, le show-man, le père de famille. Et on a essayé en interview qu’ils se livrent un peu, même si ce n’est pas le moment opportun pour dire ce qu’ils ont sur le coeur. Il y a une vérité et une sincérité en eux. On ne voulait pas parler d’anecdotique, on avait notre trame. On s’est attachés les services d’un très bon compositeur, Pierre Aviat, pour une musique originale qui apporte une couleur au film. On a avancé, comme ça, de 30 minutes en 30 minutes, avec la première partie qui se conclut sur la fin de la préparation, jusqu’aux phases finales. On n’a jamais été battu, sauf vers la fin, où le montage s’est terminé dans des nuits blanches. Globalement, on avait cette sérénité qui baignait tout le groupe, même si on a eu peur, par moment. On avait un groupe déterminé, sûr de lui. On n’était pas étonnés de les voir aller jusqu’au bout.
On pense forcément au film de 1998, Les yeux dans les Bleus. Je leur demande si cette comparaison les ennuie. Emmanuel me répond du tac au tac : c’est plutôt que tout le monde leur pose cette question qui les ennuie. Ils rigolent tous les deux. Oui, la comparaison est facile, car il y a eu une victoire, continue Emmanuel. Mais est-ce qu’on a pensé à Les yeux dans les Bleus 2 ou 3, au film de 2016 ? Tout le monde les a vu pourtant. Le film de Stéphane Meunier, en 1998, a ouvert une brèche pour des films à hauteur d’hommes, avec une petite caméra discrète. Bien sûr, ça nous a imprégné. Notre film s’appelle d’ailleurs « Les Bleus 2018 », c’est une autre époque, et ça raconte autre chose.
Théo rajoute : Ce que j’espère surtout, ce que quand la France gagnera la Coupe du Monde en 2038, les réalisateurs qui les suivront diront qu’ils se sont inspirés de notre film. On se rend compte que les époques ne sont pas les mêmes, que les modes de communication ne sont pas les mêmes. J’ai un petit de 16 ans, ça lui parle plus aujourd’hui des joueurs qui chantent Djadja à l’arrière du bus plutôt que « Les yeux dans les Bleus ». Ce n’est pas l’un ou l’autre. 1998, ça a été exceptionnel, ça a été le premier documentaire inside, la FIFA n’était même pas au courant de ce qu’il se passait. Vingt après, tout le monde a essayé de le faire, donc les règles du jeu ne sont plus les mêmes. Il faut penser à faire autre chose, à une autre écriture, et à parler à la nouvelle génération. On a des techniques de ralenti, qui sont payantes, on a du drone. Ce documentaire va se bonifier avec le temps. « Les yeux dans les Bleus » est toujours aussi important, parce que Zidane est encore plus Zidane que ce qu’il était avant. Dans vingt ans, les Pogba, les Griezman auront pris une dimension plus impressionnante, et ce film aura plus de valeur, je pense.
Emmanuel et Théo sont passionnants dans ce qu’ils racontent, et passionnés par leur sujet et leur film. Nous devons bientôt conclure l’interview. Je leur demande quelle est la suite de leurs projets. Emmanuel prend la parole : Peut-être qu’en 2020, on sera de la partie, on n’en n’a pas du tout parlé pour l’instant. L’idée est de se challenger, et peut-être essayer d’ouvrir d’autres brèches. On est fiers du film qu’on a fait, et si on doit en faire un autre, il sera forcément différent.
Le mot de la fin est sur l’audience du film, 6,9 millions de téléspectateurs sur TF1, lors de la diffusion en prime time, mardi 16 juillet. Pour Emmanuel, c’est jouissif. TF1 n’a pas vu le film, à part quelques minutes le jour de la diffusion. On a fait un film destiné à une heure de grande écoute comme on voulait le faire. Avoir cette tribune-là, pour montrer un film qui nous ressemble, ça n’arrive pas plein de fois dans une vie, et de ce point de vue on ne boude pas notre plaisir.
Les Bleus 2018, Au coeur de l’épopée russe
Un film de Emmanuel Le Ber et Théo Schuster
Tout un patacaisse pour 2 étoiles, le Hand a vraiment un gros problème de com :o(
Merci du fond de moi-même.
Les yeux dans les Bleus sont le premier documentaire et celui a été un digne héritier. J’étais sceptique car avec Internet et ce qu’il va avec, ça allait perdre de sa superbe mais on a continué de découvrir encore plus d’images que je n’aurais pensé.
En espérant qu’on en fasse un autre quand on gagnera l’Euro 2020 contre l’Angleterre.
pourtant il est pas terrible