Droits TV : Quel avenir pour le sport sur la télévision gratuite ?
Actuellement, certains événements sportifs considérés comme d’importance majeure doivent être retransmis en gratuit. Cette liste de 21 événements sportifs date du 22 décembre 2004 et se montre un peu désuète, négligeant certains sports comme le volley-ball ou la natation, et faisant peu de place au sport féminin.
Suite à la polémique née de la diffusion en payant de l’intégralité de l’Euro 2016 organisé en France, des voix se sont très tardivement élevées pour actualiser cette liste. C’est en ce sens que Valérie Corre, députée socialiste du Loiret, a déposé un amendement au projet de loi Liberté, Indépendance Et Pluralisme Des Médias, afin d’étendre la dite-liste. Plus précisément en obligeant les diffuseurs payants à rétrocéder les droits aux diffuseurs gratuits de toutes « les compétitions sportives internationales organisées sur le territoire national ayant nécessité une contribution financière directe des pouvoirs publics aux frais d’organisation ». Finalement, cet amendement n’a pas été retenu.
Cet immobilisme de la liste des événements sportifs majeurs dure depuis 2004 alors que le paysage audiovisuel a totalement changé entre temps. Les divers gouvernements et parlements ne semblent pas très concernés par le sujet, au delà de cette petite sortie médiatique isolée et assez farfelue à quelques mois de l’Euro. Certains pourraient expliquer cette situation par l’absence de volonté des différents acteurs (diffuseurs payants et fédérations), qui verraient d’un mauvais œil une réduction de la manne des droits télés.
Les bonnes pratiques de certains diffuseurs
Il faut dire que les divers acteurs arrivent à maintenir une offre très complète de sport en clair. Au delà de ses chasses gardées comme le Tour de France, France Télévisions arrive à sécuriser ses rendez-vous annuels tels que Roland Garros, et bénéficie encore du fort soutien de l’UER pour diffuser Athlétisme, Natation ou Cyclisme. Les diffuseurs gratuits privilégient également les offres communes avec des diffuseurs payants, pour s’assurer d’emporter le lot, à la manière du contrat pour la Coupe de la Ligue mêlant France Télévisions et Canal+, ou plus récemment du deal conclu par France Télévisions et Eurosport avec la fédération française de cyclisme. beIN SPORTS de son côté reste très ouvert à la négociation. Florent Houzot nous confiait récemment mettre à disposition largement en amont et au delà de la réglementation les bons parcours français dans les compétitions diffusées en exclusivité. Ainsi, les éventuelles demi-finales et finales de l’équipe de France de handball sont pré-vendues plusieurs mois avant, un an même pour les compétitions féminines jouées en fin d’année. beIN SPORTS a également rétrocédé les droits de la Coupe Davis dès le premier tour, en conservant néanmoins l’exclusivité du vendredi lors des deux premiers tours. Plus atypique, la demi-finale de Wimbledon l’an dernier avec Richard Gasquet a été vendue à TMC, la finale de l’Euro de Volley-Ball a pu être diffusée par France 4 et la finale féminine de Ligue des Champions perdue par le PSG a eu une exposition sur France 2.
France Télévisions bloquée par l’absence de publicité après 20h
Néanmoins, ce système montre ses limites lorsque il faut se partager les évènements majeurs. Depuis la fin de la publicité après 20h sur France Télévisions, le groupe qui avait l’habitude de diffuser les mondiaux et Euro de football (Pour rappel, de très nombreux matchs du mondial 1998 ou la finale de l’Euro 2004 ont été diffusés par le groupe public), fait grise mine. M6 de son côté ne s’intéresse que partiellement à ces compétitions généralement déficitaires, bien que le groupe soit présent cette année sur son troisième Euro consécutif. Conséquence, TF1 se retrouve seul acteur gratuit dans la danse pour les mondiaux de football. En 2014, personne n’a voulu/pu acquérir les matchs les moins intéressants qui ont ainsi migré vers beIN SPORTS. Et les deux prochaines éditions connaitront une couverture similaire, la FIFA n’ayant vendu à TF1 que les matchs qui l’intéressaient, et à beIN les seuls droits du payant. France Télévisions qui n’a pas pu investir une dizaine de millions d’euros pour le dernier lot de matchs de l’Euro 2016 n’a plus, en l’absence de publicité après 20h pour diminuer les pertes, les reins assez solides pour permettre à tous d’accéder aux très chères compétitions majeures de football. Le groupe préfère se concentrer à maintenir l’offre actuelle, avec pour principaux objectifs à court terme la sécurisation auprès d’Eurosport des Jeux Olympiques 2022 et 2024, le renouvellement des droits du tournoi des VI nations qui se terminent en 2017 et du contrat avec la fédération française de rugby qui court jusqu’en juin 2016.
L’intérêt de certains ayants droits pour augmenter la visibilité de leur sport
Autres acteurs incontournables, les fédérations détiennent des droits. Certaines peuvent trouver un plus grand intérêt à une diffusion gratuite, soit pour attirer les annonceurs, soit pour faire connaître le sport. Ainsi L’Équipe 21 peut diffuser à moindre coût 12 matches de Pro A par saison suite à l’influence de la LNB, la Ligue A Masculine et Féminine de Volley-ball et la Ligue Magnus de Hockey sur glace. La LNR a permis également à France 3 de diffuser sur ses antennes régionales les plus belles affiches de Pro D2.
La question de la réussite d’une diffusion sportive en gratuit pose aussi celle de sa mise en valeur dans une grille. L’exemple de la D1 Féminine est frappant. Malgré une belle exposition des plus grands matches sur France 4, les audiences peinent à décoller. Depuis 2011, le canal 14 retransmet 3 à 4 des plus grands chocs du championnat, pour des scores qui restent stables (en moyenne 360 000 fans et 1,5% de PdA). Outre cet exemple, le groupe France Télévisions dispose de droits sur certaines épreuves qui ne sont pas assez mises en avant pour faire de bonnes audiences en étant relégués sur France 4 ou France Ô (comme les championnats du monde de cyclisme sur France Ô).
L’avenir du sport en gratuit
L’exemple de France Télévisions vient illustrer un certain paradoxe. En effet, la TNT a permis au paysage audiovisuel gratuit de s’agrandir (bientôt 26 chaînes en clair). Le sport hors évènement majeur disparaît peu à peu des grandes chaînes car n’assure plus des audiences suffisantes, et sa rétrogradation sur des chaînes dites TNT n’améliore pas les résultats. Comme par exemple les faibles audiences de la Coupe Davis sur France 4 (478 000 téléspectateurs et 2,4% de Pda pour le double de France – Canada le 5 mars dernier), retransmission masquée par une forte concurrence à l’intérieur même du groupe avec les championnats du monde de cyclisme sur piste sur France Ô.
Le sport en gratuit est-il amené à être cantonné à des sports de seconde zone ? Cyril Linette, DG de L’Équipe, a expliqué dans une interview à CB News du vendredi 11 mars que les « petits sports » ont leur place à la télévision. Mais il serait dommage d’en oublier les « sports majeurs ». Même s’il sera difficile aux acteurs gratuits de s’aligner sur les droits du football, sport qui en 2013 canalisait selon nos confrères 84 % du financement du sport par la télévision.
Retrouvez le guide des principaux droits tv en France dans notre infographie ci-dessous :